Par Rascal et Gaby
Alors que se pose la question, en France, de l’interdiction d’accés à certains sites de grimpe, la solution passe souvent par des initiatives locales qui, le plus souvent, débouchent sur le maintien, plus ou moins partiel, de l’autorisation de grimper.
Le meilleur exemple concernant les sites de blocs est certainement celui d’Annot où des négociations entre grimpeurs locaux et nombreux propriétaires ont mené à une autorisation de grimpe sur un important nombre de parcelles de terrains qui bordent la piste du Fugeret. D’autres exemples peuvent être donnés : la réouverture complète de La Capelle après menace de fermeture par le propriétaire ou encore la fermeture totale de Sempessere dans le Gers…
Si l’action de la FFME semble souvent efficace sur les sites de voies, cela ne semble pas être le cas sur les sites de bloc !
Il est des pays où les grimpeurs s’organisent et tentent, en s’unissant, de préserver leurs terrains de jeu. Le meilleur exemple est sans aucun doute les Etats-Unis où ont été créées un certain nombre d’associations de préservation des spots de grimpe, dont la plus connue est l’Access Fund .
L’Access Fund a été créé en 1989. C’est une association qui rassemble 1.6 millions (!) de grimpeurs issus de toutes les formes de grimpe (falaise, blocs, glace etc…). L’idée initiale de cette association était de soulever et gérer des fonds afin de préserver l’accés des spots de grimpe. En effet, aux Etats-Unis, de nombreux spots de grimpe sont sur des terrains privés et les grimpeurs ont pensé que l’achat des terres sur lesquels se trouvent leurs terrains de jeux aideraient à les maintenir ouverts.
Cette association travaille aujourd’hui à la réouverture de spots fermés, à la prévention de fermeture de spots, à la réduction de l’impact environnemental des grimpeurs, à l’information du public (propriétaires ou autres)…
Concernant le maintien ou la ré-ouverture de spots fermés, il existe de nombreux casaux Etats-Unis et l’Access Fund apporte un appui, voir des fonds, aux initiatives locales.
Le site d’HP40 par exemple, a fait l’objet en 2002 de négociations entre la SCC (Southeastern Climbers Coalition), l’Access Fund et les propriétaires des terrains afin d’assurer la pérennité du spot.
D’autres spots sont carrément achetés par les grimpeurs. Ainsi, la falaise de Jamestown (Alabama) était fermée depuis 1993 suite à une dispute entre grimpeurs et propriétaire. Des négociations avec le propriétaire et le rachat de plus d’un hectare de terrain par les grimpeurs en 2005 ont permis la ré-ouverture du spot ! Les fonds provenaient de l’Access Fund, de donateurs (du simple grimpeur au sponsor) et du bénéfice retiré de l’organisation de rassemblements…
Concernant la réduction de l’impact environnemental des grimpeurs, l’Access Fund joue principalement un rôle d’éducateur avec des sensibilisations auprès des grimpeurs à la préservation de l’environnement (édition de plaquettes, campagnes de publicité etc…).
Enfin, concernant l’information du public, l’Access Fund joue principalement un rôle de lobby , que ce soit auprès des acteurs locaux (propriétaires…) ou nationaux (National Parks, Forest Service etc…).
En 2006 est né le Bouder Project , qui est une initiative de l’Access Fund, est dont le but est de préserver les sites de bloc en particulier et de sensibiliser les bloqueurs à la préservation de leurs sites (comment se comporter, peut-on publier des infos sur un nouveau spot etc…).
Il semble donc que les grimpeurs américains ne se soucient pas que de la protection de leurs mimines dans les fissures du Yosemite et essaient d’être actifs afin de préserver leurs terrains de jeu. Aura-t’on, un jour en France, des organisations équivalentes et des gens motivés pour les animer ?
Que retenir des actions de l’access fund ?
Si l’on remonte à l’origine des conflits sur l’usage des sites, on trouve un scénario classique : des grimpeurs investissant peu à peu un lieu, pensant en toute bonne foi ne déranger personne, un ou des propriétaires ou des usagers locaux, ayant de toute bonne foi l’impression d’être envahis chez eux. Suivant les niveaux respectifs de discrétion et de tolérance à l’envahissement, le clash arrive plus ou moins tôt, plus ou moins violemment, mais la mécanique reste la même.
Ce triste scénario n’est pas particulier aux sites de grimpe, on a le même lorsqu’une concentration de motards colonise une campagne, une troupe de ravers squatte un champ, qu’une compagnie pétrolière verrouille un champ d’huile, ou qu’une famille de couleur débarque dans le voisinage. Les différences, les comportements inhabituels ou l’inconnu y sont perçus comme un danger, voire une attaque. Sans juger de la légitimité ou pas, contentons nous de le constater.
Dans le mic-mac qui s’installe, le rôle d’associations comme l’Access Fund est bien loin de se résumer à l’éventuel achat de sites. Il est en priorité un rôle de médiation et d’échange. Dans ce qui devient parfois une guerre ouverte (l’interdiction d’un site à « une certaine catégorie d’individus » n’en est est pas loin), on constate, comme si c’était nouveau, le criant manque de dialogue à l’origine du conflit, dialogue qu’il faut pas à pas essayer de reconstruire.
L’Access Fund est une association nationale,une chose proche de ce qu’est notre Cosiroc, qui intervient lorsque le dialogue local à été trop faible et incapable de trouver une solution concertée. Ce qui rend aujourd’hui le problème difficile pour le bloc est la quasi-absence d’organisation, tant au niveau local qu’au niveau national. Comment alors demander que les interlocuteurs discutent, quand l’un des deux au moins n’existe pas ? Les grimpeurs n’ont jamais été très fédérés, il reste que pour la falaise, la FFME et ses clubs, le CAF local, etc. sont des interlocuteurs identifiés, « officiels », avec qui les locaux peuvent parler. Ce n’est pas le cas avec le bloc, beaucoup moins géré et maîtrisé.
La voie est dès lors clairement tracée : si les bloqueurs veulent profiter longtemps et heureux des sites qu’ils aiment, il leur faut apprendre à se rendre acceptable des autochtones, et pour celà, leur offrir un visage. Cela peut se faire au niveau local, régional ou national, dans des structures déjà existantes ou à créer, mais il leur faut entreprendre cette démarche de dialogue. Ainsi, d’envahisseurs, ils passeront au statut d’invité, de gens avec qui l’ont peut discuter, voire mettre en place des actions de développement économique local, au bénéfice de tous.
C’est ce que nous montrent les américains, qui ont toujours été maîtres en matière de lobbying, souvent au sens noble du terme : ils ont cette capacité de donner une voix unique à une multitude floue, afin de la rendre forte et compréhensible aux autres. Espérons que nous saurons apprendre de leur expérience en ce domaine.
Pour aller plus loin, vous pouvez découvrir la Communication Non Violente sur le site deL’Association Communication Non Violente , ou lire le livre de Marshall Rosenberg « Les mots sont des fenêtres (ou des murs) ». On y discute, entre autres, du choix entre avoir raison ou être heureux.
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