EB Boss …
Fred Tuscan a repris les commandes de EB, suite au départ à la retraite de JC Delubriac, après une carrière de grimpeur bien remplie, en falaise comme en compéts de blocs (avec entre autres un titre de vice-champion du monde de bloc). ZeBloc est allé à sa rencontre pour en savoir plus, sur lui et sur EB…
Le portrait de Fred trône même dans les salles pékinoises …
Zebloc : Pour ceux qui ne le savent pas encore, tu as remplacé JC Delubriac chez EB. Quel est ton rôle exactement?
Fred : Je suis responsable de la marque EB au sein des Etablissements LALET. Je cumule les casquettes de responsable commercial, concepteur produit, responsable de production et marketing.
Zebloc : Etait-ce un objectif que tu avais depuis longtemps ou çà s’est présenté « comme çà »?
Fred : Membre du team EB depuis 2003, je me suis investi à l’époque avec JC sur de la conception produit puis très vite sur du marketing. Nous étions très complémentaires. JC est quelqu’un d’ouvert et j’étais très impliqué voire passionné.
En 2004, on parlait de mon éventuelle embauche 1 ou 2 ans avant son départ futur à la retraite, le temps de me passer la main.
Finalement, LALET m’a débauché de mon ancien job pour prendre directement les commandes en octobre 2007.
Orgon-Canal (Photo F Labreveux)
Zebloc : Quelles sont tes impressions après ces quelques premiers mois?
Fred : Je suis vraiment heureux de revenir dans le milieu de l’escalade. Mon job me passionne et en plus je suis en communication tous les jours avec des grimpeurs tout azimut.
C’est véritablement une chance de pouvoir concilier passion et profession, j’en suis conscient et j’espère qu’il en sera toujours ainsi.
Zebloc : Peux-tu nous présenter un peu EB (nombre d’employés etc…)?
Fred : Historiquement EB est l’inventeur du chausson d’escalade. EB signifie : Edmond Bourdonneau, maître bottier de son vivant. En 1950 il s’associe avec Pierre ALLAIN, un illustre grimpeur et alpiniste. Visionnaires, ils innovent et mettent au placard les chaussures de l’époque, lourdes, rigides et dépourvus de sensations !
Aujourd’hui, présenter EB revient à présenter la maison mère LALET. Basé à Limoges, cette PME est une des dernières à fabriquer de la chaussure en France. En effet, l’émergence de pays comme la Chine a provoqué le déclin de ce secteur à l’instar du textile et du coup la fermeture de la majorité des acteurs français et européens.
La société est organisée autour de plusieurs marques dans le prêt-à-porter, la danse et l’escalade avec EB.
Les marques ensuite se partagent les différents services comme le commercial, la production, le bureau d’étude, la comptabilité, les achats, l’expédition etc, ce qui représente une bonne soixantaine d’employés.
Exclusivement rattaché à EB, nous ne sommes pas nombreux puisque je suis seul avec une équipe de 3 commerciaux sur la France et des distributeurs pour l’international.
Orgon-Canal (Photo F Labreveux)
Zebloc : Peux-tu nous en dire un peu sur les nouveautés à venir (chaussons ou autres)?
Fred : En ce qui concerne les nouveautés, nous sommes dans une année fertile puisque déjà 7 modèles de chaussons ont été présentés à nos clients. Pour vous donner quelques grandes lignes, le Wolverine Evolution remplace désormais le Wolverine notre ancienne locomotive. Le Hellboy, chausson à lacet vient compléter le haut de l’affiche. Les Sonic(s) arrivent dans la gamme Loisir déclinés en lacet, velcro et ballerine.
Deux autres modèles seront cet été au salon Outdoor de Friedrichshafen en Allemagne. Nous fixons l’objectif de renouveler entièrement la gamme pour 2009.
Nous essayons de construire une ga mme simple et complète qui réponde a ux besoins de tous les pratiquants quelque soit leur niveau. Notre devise est le bon produit pour le bon utilisateur.
Zebloc : Justement, j’entends assez souvent les grimpeurs reprocher à EB le design un peu dépassé des chaussons EB par rapport au design très ‘technique’ des nouveautés des autres marques. Même si le design ne fait pas la qualité d’un chausson, comptez-vous bosser sur cet aspect ?
Fred : Oui, bien sûr, nous travaillons désormais autant sur la technicité que sur le design lors de la conception d’une nouveauté. Nous essayons de faire bien mais aussi de faire beau.
Parallèlement, nous respectons les gênes de la marque, segment par segment. Ainsi vous verrez très facilement les traits de famille qu’il y a entre le Wolverine, le Hulk et aujourd’hui le HellBoy sur le segment Expert. Sur le segment Loisir, notre volonté de créer, en respectant « l’esprit de famille » est encore plus flagrante avec les Sonic(s).
Nous voulons respecter ce juste équilibre technicité / Design tout en restant prudent face au risque de basculer vers 80% de Design et 20% de technicité.
Vous pourrez constater en surfant sur notre site www.eb-france.fr que les nouveautés sont plus abouties, question Design. Les premières remontées de nos clients semblent très positives mais il est encore un peu tôt pour affirmer que nos chaussons sont aujourd’hui aussi bien conçus techniquement qu’esthétiquement.
Cimaï (Photo F Labreveux)
Zebloc : Tu peux nous en dire plus sur les différences entre l’ ancien et le nouveau Wolverine ?
Fred : Le Wolverine a fêté ses 4 ans il y a peu. Nous voulions lui redonner un coup de jeune sans s’écarter de ce qui a fait son succès.
Trois modifications à retenir :
– Disparition du capot : le capot de gomme sur le dessus des orteils avait pour vocation première d’empêcher toute déformation latérale dans le temps et assurer un maintien du pied quelque soit le nombre d’utilisation. La tige (élément du chausson en tissu couleur sable) est en micro fibre respirante. Ce matériau extrêmement solide, agréable au toucher, aspect velours, est incontestablement le plus performant pour les chaussons d’escalade. Après plusieurs tests nous nous sommes aperçus qu’il était largement suffisant pour contenir l’élargissement du pied typique à des matériaux comme la croûte de cuir par exemple. Nous avons donc supprimé le capot au profit de plus grandes sensations.
– Changement de raidisseur dans la semelle : le raidisseur dans la semelle a changé de matériau, ce qui augmente les sensations et la polyvalence.
– Ajout de logos : le Wolverine est désormais plus racé autour de son nom et obtient 2 nouveaux logos dont les Griffes rouges sur le devant.
Il s’agit là d’une évolution du Wolverine d’où le nom Wolverine Evolution et pas d’un changement brutal. Ce modèle est toujours destiné aux grimpeurs d’un niveau élevé qui veulent un chausson velcro polyvalent et précis. De plus il conserve ses couleurs d’origine : rouge / sable / noir. Il progresse significativement en sensations.
Zebloc : Comment situer le Hellboy dans la gamme, par rapport au Wolverine par exemple ?
Fred : Le HellBoy vient compléter la gamme Expert par le haut. Bâti sur une plateforme commune avec le Wolverine Evolution, c’est un chausson à Lacet et, qui dit : « lacet », dit : « plus de précision au serrage ». Nous l’avons doté d’un nouveau raidisseur intégral (de la pointe jusqu’au talon), ce qui le positionne comme plus rigide que son grand frère. Le HellBoy est donc plus précis, plus rigide, plus à sensation mais moins polyvalent.
Nous l’avons conçu pour les falaisistes exigeants. Mis au point au Cimaï, falaise mythique toulonnaise, réputée pour ses voies très techniques tout particulièrement pour les pieds, le HellBoy est issu d’un des « camps d’entraînement » les plus redoutés qui soient !!
Saint Cézaire (Photo F Labreveux)
Zebloc : Où sont fabriqués les chaussons?
Fred : Les chaussons comme les autres chaussures de l’entreprise sont fabriqués sur plusieurs sites de production en France et dans les pays du Maghreb.
Je refuse catégoriquement de produire dans des pays comme la Chine comme peuvent le faire de plus en plus d’autres concurrents. Au regard des problèmes de qualité qui en résultent tous secteurs confondus, je ne trouve cela pas très sérieux. J’espère que l’on pourra à moyen terme augmenter la production en France et sortir de la spirale de la délocalisation.
Zebloc : As-tu encore le temps de grimper?
Fred : Je n’ai plus de temps de grimper comme lorsque j’étais étudiant c’est sûr mais je m’organise pour grimper 1 à 2 fois par semaine en falaise. J’ai la chance d’avoir des spots comme le Cimaï à moins d’une demi heure de la maison.
Zebloc : Fais-tu du bloc?
Fred : Non pas vraiment, j’adore Bleau et Annot mais je manque un peu de temps et pour y aller. Alors je m’énerve sur les voies courtes du Var et je dois dire que ça m’occupe plutôt bien.
Zebloc : Toi qui est un ancien compétiteur de haut niveau, comment vois-tu l’évolution des compéts?
Fred : J’ai commencé la compétition en 92, j’ai vu ma première coupe du Monde en 93, à Toulon d’ailleurs. Quelques années plus tard, j’ai participé à des événements grandioses comme le Master de Serre Chevalier ou la coupe du Monde de Nantes. J’ai vu naître le circuit de bloc et j’ai connu l’époque où tous les mecs forts venaient serrer les prises en résine des compétitions. Ils cherchaient à se juger par rapport aux autres ou simplement montrer qu’ils étaient les plus forts.
Depuis plusieurs années je constate qu’il y a de plus en plus de grimpeurs mais pas plus de spectateurs, pas plus de moyens et malheureusement pas plus d’intérêt. Et c’est d’autant plus regrettable que le niveau en bloc comme en difficulté monte chaque année et que les performances sont impressionnantes. La compette ne monopolise pas le cœur de l’activité, elle se marginalise et stagne.
Parallèlement il y a de plus en plus de Contests dans des salles privées toujours plus nombreuses, je le sais je reçois jusqu’à 3 demandes de dotations par jour ! Les pratiquants s’amusent, viennent et reviennent et les salles avec un faible investissement dynamisent leur calendrier.
Voilà ce que j’observe, je n’ai pas de solutions à proposer car ça ne pose pas de problèmes. Je tiens tout de même à dire en m’appuyant sur près de 20 ans de pratique que la quête des JO de la fédé semble être une utopie.
Zebloc : Qui est le meilleur grimpeur du monde?
Fred : Je sais pas qui est le meilleur grimpeur du monde mais je sais que s’il ne grimpe pas avec des Wolverine, des HellBoy ou des Hulk, il a encore beaucoup de potentiel !!
Biographie
Né à Marseille le 19/02/79, 29 ans
Habite Toulon
Commence l’escalade au Baou de Gignac (13) en 1990 et les compétitions en 1992
12 ans de compétition en jeune et en senior, membre de l’équipe de France pendant 11 années consécutives
Palmarès :
Jeune : 3 titres de champion de France, 1 titre de champion du Monde et de vice champion du Monde
Senior : vice champion du monde de bloc et vainqueur du Bloc Master de Grenoble
Formation : DESS / Master de Management à l’IAE de Grenoble
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