Texte : Rascal
Parmi les trois piliers du désormais galvaudé Développement Durable, l’économie est celui que les eco-citoyens de tous poils, court ou long, ont le plus pris en grippe. En effet, l’environnement , bien malmené, semble celui à secourir de toute urgence, ce qui n’empêche pas de continuer biznee as usual. Le social, il apparaît plutôt réservé aux syndicalistes et au gauchistes, quand ce n’est pas aux associations, bref, c’est plutôt sympathique, même si tout le monde n’a pas envie d’y mettre les pattes. Mais l’économie.. beuuuaaark… un repère d’encravatés à magouilles, un bassin aux requins, en tous cas, rien, non rien de ce qui peut avoir l’air durable…
Pas la joie, quoi…
Et pourtant, les trois sont bien nécessaires, et je voudrais juste aborder un peu cet aspect que nous avions déjà effleurés lors d’un houleux débat aujourd’hui disparu, sur le forum Zebloc, lorsque nous parlions de « produits équitables ».
Commençons par quelques définitions. L’économie, tout d’abord, que le sympathique Bernard Marris nous définit comme « ce qui pose fondamentalement la question de la répartition des richesses ». Bon, il y a un gâteau, comment le partager ? L’économie est donc une chose plutôt noble dans son principe, surtout quand il s’agit de tenter l’équité, que Robert (le Petit) nous définit comme « une notion de la justice naturelle dans l’appréciation de ce qui est dû à chacun ». Il ne nous en faut pas plus…
Imaginons, ce n’est pas trop difficile, une belle journée d’escalade, de celles où, levé difficilement, mais à potron minet (1), nous carressons de longues heures durant une rocher soyeux, uniquement interrompus par un sympathique pique-nique entre gens de bonne compagnie, et rentrons tard et fourbu. Je n’hésiterai pas à dire, dans pareil cas, que je suis rentré plus riche que je ne suis parti, que j’ai eu droit à une bien jolie part du gâteau.
Hors sujet, me direz-vous, j’extrapole, j’élucubre ? Allons, ne me dites pas que vous me reprenez sur ma notion de la richesse, lui reprochant un manque d’aspect financier ? Je poursuis donc : ces moments à la verticale m’ont enrichi de joie, de sensations, de souvenirs, d’échanges, peut-être d’apprentissage sur moi-même (des fois, on apprend mieux à trois mètres du pad…). Et si je me suis enrichi, l’équité voudrait que, à mon tour, je rende une part de richesse. Le plus élégant serait bien sûr que l’on reste hors du plan financier, celui de l’argent, cette chose inventée, selon René Passet, parce qu’il devenait vraiment malcommode d’échanger des cygnes contre des maisons. Qu’ais-je alors à donner ? Ma force de travail, peut-être, en nettoyant, équipant, en protégeant, réparant, en organisant, bref, n’importe quoi qui contribue à rendre un peu à cet endroit un peu de ce qu’il m’a donné. Ca, ca me semble équitable.
Et si je ne peux pas ? Et bien il me reste l’argent qui, loin d’être sale en lui-même, prend la valeur qu’on veut bien lui donner. Et pour rester dans la même logique, si je ne peux pas équiper, je vais aider à financer l’équipement, et acheter le topo de ceux qui équipent, ou leur autocollant, ou leurs patates s’ils vendent des patates, que sais-je… Je ne peux pas entretenir les accès ? Je vais soutenir ceux qui s’en occuppent, les locaux, les paysans du coin et leur terrain, aller au bar du village, faire mes courses au marché local. C’est plus cher que Carrouf ? Sûrement, alors dites-moi, combien ça vaut, le bonheur d’une journée à Targa ? Les 10 € que vous avez « économisé » en allant chez Leclerc, n’auraient-ils pas été mieux employés chez le berger du coin qui vous aurait cedé avec plaisir un fromage ? Ce même berger qui, six mois plus tard, dira peut-être au Conseil Municipal « moi, les grimpeurs, je les aime bien, ils me font travailler, ce serait dommage de leur fermer l’accès ». C’est là qu’on rejoint le social, au moment où l’argent reste à la place qui est la sienne, celle de représenter de véritables échanges de richesse.
Charlie, berger pas loin de Pont de Camps. Si vous savez où le trouvez… dites moi !!!
Ma vision est sûrement simpliste, après tout, je suis tout sauf économiste, mais je reste convaincu qu’en matière de commerce équitable, on ne fera jamais mieux que l’échange avec quelqu’un dont on peut serrer la main, et ajouter un sourire un merci, c’est gratuit, et c’est de l’économie, de la richesse qui se partage. On ne fait jamais mieux que lorsque les deux finissent plus riches. Consommer local, c’est faire vivre ces pays, ces gens qui nous accueillent, et qui nous l’ont déjà rendu 100 fois.
Merci à Casseurs de Pub pour l’image
(1) J’adore ces vieilles expressions ringardes à souhait… on a tous nos vices…
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