La rentrée
Et voila la rentrée, le moment où même nous, les grands, on a comme des réminiscences de ces instants délicats où, dans la cour, on découvrait que cette année, on tombe avec « la mère Faye », celle qu’a toujours un chignon et un tailleur en laine, ça va pas rigoler tous les jours…
Mais pour nous les bloqueurs, Septembre, c’est aussi le moment où on va reprendre le chemin de la salle. Et là, je vous le dis tout de suite, l’occasion est grandiose de prendre une grande décision, une « résolution », dirions-nous si c’était la saison de la dinde aux marrons.
Suivez bien, j’explique…
On nous a suffisamment bassinés depuis quelques années avec le développement urbain de la grimpe, drainant un nouveau public orienté « fitness », arrivant au vestiaire après le bureau, et tout et tout. Il faut bien admettre qu’une salle, c’est bien souvent situé en ville, ou au moins en zone périurbaine. Et qui dit ville, dit transports urbains, bouchons sur le périph’, pollution à l’ozone, pare-chocs collés et doigts levés, mais encore transports en commun, mobilité « douce », et tutti quanti. Qu’on le veuille ou non, tout lieu public génère des déplacements (on y va, on en repart), et à notre époque, le déplacement, c’est tout sauf anodin.
La science amusante avec Zebloc
On ne va pas faire dans les chiffres, trop souvent abstraits. Pour bien saisir la dimension de la chose, je vous propose une petite expérience. Il suffit, un jour où vous vous trouvez dans un bouchon, on encore en ville à l’heure de pointe, de vous accorder 1 minute d’humanité, avec le mode opératoire suivant.
Au besoin, sortez de votre voiture, et fermez les yeux (faites gaffe quand même si vous êtes sur la rocade !). Humez, écoutez, percevez bien ce qui vous entoure. Après quelques secondes, ouvrez les yeux, et regardez attentivement, observez les voitures serrées, les surfaces bitumées et construites. Considérez attentivement les gens assis dans leur voiture, derrière leur carreaux, tentez de percevoir leur état d’esprit (joie de vivre débordante, bien être serein, etc.). Respirez tout ça avec tout votre corps, percevez la place sonore, odorante, visuelle que prend la voiture dans notre monde, et dites-vous bien que chacun d’entre nous qui tourne une clé de contact est un rouage actif de cette grosse machine.
Et maintenant… Est-ce beau ? Est-ce sain pour les enfants et les autres ? Est-ce agréable ? Est-ce un monde humain dans lequel il est bon de vivre ? Non, rien de tout ça… Pour être rapide et concis, c’est moche, ça fait du bruit et ça pue. On est loin de la « ville à vivre », on penche plus vers « Blade Runner » que vers « Fanny ».
Tout le monde est d’accord !
Saluons au passage l’à-propos d’une célèbre chaîne d’entretien automobile publiant il y a peu une brochure « environnement » dans laquelle on trouvait la merveille suivante :
C’est vrai que si ça pue dehors, autant laisser ça aux piétons…
Heureusement pour nous, le génie humain, qui est grand, a produit depuis longtemps une solution fort efficace à ces inconvénients. Sisisisisi… Et pour mieux saisir toute l’intelligence de la chose, examinons un cas concret.
La Pijo du webmaster
Notre webmestre adoré est l’heureux possesseur d’une voiture de marque Pijo qu’il utilise 2 à 3 fois par semaine pour se rendre (et revenir) de son travail à sa salle préférée, en périphérie de Toulouse. Cela fait environ 9 km par séance (aller-retour), soit en moyenne 90 km par mois. Cette fois, quelques chiffres pour faire le bilan (les sources des données sont fournies en fin d’article) de ce qu’il se passe:
- Environ 6 l d’essence par mois (soit environ 6 € en diesel, 9€ en essence)
- Environ 200 g/km * 90 km = 18 kg de CO2
- Environ 2h30 par mois assis entre plastique et métal à écouter Skyrock (pire cas…)
- Environ 19 € d’usure de voiture par mois.
- Quantité non définie de polluants divers (oxydes d’azote, précurseurs de la pollution à l’ozone, dont le joli NO2 tout jaune qui flotte au dessus des villes, oxydes soufrés, mis en cause dans le cycle des pluies acides, dérivés benzéniques, etc.).
- 2h30 d’un moteur qui tourne, c’est 2h30 de bruit pour tous les gens à côté desquelles on passe.
Négligeons là-dedans le fait que le moteur froid de la Pijo consomme et pollue de 2 à 3 fois plus qu’à chaud. Négligeons également l’ensemble des impacts liés à la chaîne complète (approvisionnement en carburant au Moyen-Orient, énergie « grise » utilisée pour fabriquer la Pijo, etc.), estimés en général à un bonus de 45% sur la consommation en carburant.
Par « quantité non définie », j’entends que les quantités varient beaucoup suivant l’âge du véhicule et ses réglages. Les estimations mondiales sont de l’ordre des centaines de milliers de tonnes par an.
Rupture technologique
Admettons maintenant que notre webmestre favori décide d’acquérir un des objets les plus performants inventés par l’homme, une perle de technologie et d’intelligence : une bicyclette.
A Toulouse, ville étudiante, il en trouvera une fort correcte à partir de 100€ (quoique j’y avais acheté un modèle plus aventureux pour 50 Francs), et pourra la laisser au bureau, la réservant exclusivement à ses séances de bloc. Allez, pour 150€, on lui met un casque, une pompe et un antivol. Voyons voir ce que ça donne :
- Essence = 0 litre (soit 0€ de diesel et 0€ en essence). Tout au plus va-t-il augmenter sa consommation de céréales le matin…
- Environ 450g de CO2, qu’il aurait aussi émis en bagnole, on ne va pas se mettre en apnée, tout de même…
- Environ 3 heures de trajet : en ville et périphérie, il a été montré que le vélo est régulièrement aussi rapide (parfois plus) que la voiture, et surtout indépendant des aléas de trafic. Mais 3 heures sans Skyrock, les cheveux au vent, avec les genoux qui font la machine à coudre, et un léger effort que recommande tout bon bouquin d’entraînement avant et après une séance.
- Environ 5€ de coût d’usure, si on lui offre régulièrement des pneus neufs et un peu d’huile. L’achat est amorti en huit mois (variable suivant les hypothèses).
- Bruit et odeur : bilan quasi nul, sauf s’il décide de chanter un vieux cantique de Cauterets (c’est rare), ou s’il a mangé un bon cassoulet la veille (c’est moins rare).
Un petit mot pour les histoires de CO2, car ça ne parle pas beaucoup, ces « 450g » ou « 18 kg ». On admet en général qu’un hectare de forêt absorbe (on dit « fixe » pour faire savant) environ 1.4 tonnes de CO2 par an. Notre Webmaster en produisant, pour aller à la salle en Pijo, plus de 200 kg par an, il lui faut, s’il veut être « soutenable », avoir dans son jardin, 0.14 hectares de forêt, soit 1400 m². Hors, je connais son jardin, et il n’y a pas dedans 1400 m² de bois. Notre bon Webmaster doit donc, pour être « soutenable » dans sa pratique du bloc, espérer que quelqu’un dans le monde veut bien lui prêter 1400 m² de bois pour lui pomper le CO2.
Notons au passage pour les curieux que vous êtes que le même petit calcul généralisé à l’ensemble de la population équipée de voiture montre que… on est déjà en surcapacité. En clair : la Terre n’est déjà plus capable de gérer l’ensemble des nuisances liées à l’utilisation des voitures existantes. Et on ne compte pas l’augmentation constante du nombre de véhicules…
Et alors ?
Vous serez d’accord avec moi que, même si mes hypothèses sont peu précises, il ne semble pas y avoir d’argument rationnel (j’entends « mesurable ») au fait que notre cher Webmaster investisse dans un vélo. Mais voilà, l’homme (la femme aussi, mais je suis moins spécialiste) est ainsi fait que tout n’est pas rationnel (faut voir qu’on se ferait bien chier, aussi…).
Listons donc quelques arguments « contre » que les raleux du fond (toujours les mêmes…) exposent régulièrement, en gardant bien à l’esprit cette citation de Mike Horn, que j’écris de mémoire : « on arrive facilement à trouver les choses impossibles quand on n’a pas vraiment envie ».
1) « Quand il pleut, ca mouille » ou « quand il fait froid, c’est froid ».
C’est imparable, d’une logique à la fois limpide et puissante. Je dois bien me rabattre sur un « et alors ? » qui me convainc peu. Mais d’abord, il ne fait pas TOUJOURS froid et/ou mouillé. Même si on ne pédale qu’une fois sur deux, ça fait toujours 50% en moins, c’est pas mal, toujours ça de gagné quand on regarde les ambitieux objectifs du protocole de Kyoto (-8% en 2012 !).
Je vous épargne l’argument Météo France : il pleut en moyenne 6% du temps en France. Ce serait vil…
Ensuite, on est parfois mouillé (et encore, un joli ciré jaune, ça aide bien…Comme on dit (si, on le dit !) : « il n’y a pas de mauvaises conditions, seulement de mauvais équipements ! »), mais est-ce bien grave ?
La nature est-elle à ce point hostile, sommes-nous si désadaptés que cette situation devient intolérable ? Je vous le dis, on apprécie autrement la douche chaude ! Certes, tout le monde n’a pas la chance d’avoir une douche au bureau pour le retour. Mais vous avez bien compris qu’on ne parle pas ici de « tout le monde, tout le temps », mais de gens intelligents et responsables sachant tirer le meilleur parti d’un contexte particulier (diantre, le niveau est relevé, ici !!).
2) « c’est fatiguant de faire du vélo » :
je ne vous ferai pas l’injure de vous sortir les consommations énergétiques relatives d’une séance de bloc et d’un trajet à vélo, ni de vous donner l’avis de ma grand-mère (cycliste depuis bien plus longtemps que nous) mais venant de gens allant « au sport », ça fait doucement marrer ! Et pourquoi pas un escalier roulant pour aller à l’étage ?
Et encore une fois, c’est bon pour l’échauffement et la récup, ça laisse donc plus de temps pour faire de la vraie grimpe.
3) « C’est dangereux » :
je me permets ici de reproduire un tableau fourni par la FUBicy (liens en fin d’article) :
Les cyclistes représentent environ
4% des déplacements, 4% des blessés graves, et 3% des tués.
Gravité des blessures | Voitures | Vélos | Piétons | Motos & cyclomoteurs |
---|---|---|---|---|
Faible à moyenne | 93% | 92% | 84% | 87,5% |
Forte | 7% | 8% | 16% | 13% |
Tués | 1,3% | 0,4% | 2,3% | 1.5% |
Crâne | 24% | 17% | 26% | 11% |
Credit : Fubicy
Source : ONISR 2004. Données téléchargeables sur le site officiel de la Sécurité Routière, rubrique Dossiers de presse, mars 2005.
Quand on sait que depuis son invention, l’automobile a tué environ 40 millions de personnes (soit 4 fois plus que la première guerre mondiale, et autant que la deuxième), on relativise.
4) « On se fait voler son vélo »
C’est malheureusement parfois vrai, mais en grande partie parce que tout le monde se désintéresse de la question, les cyclistes les premiers. Selon la FUBicy, 90% des victimes de vol n’avaient pas d’antivol solide. Les 10% restants… n’avaient pas d’antivol du tout ! Avec un bon U, un point fixe et un endroit visible, on résout en grande partie le problème.
Le mieux serait encore que les responsables de salles s’engagent également : mise en place d’arceaux ( certaines agglomérations, comme Chambéry Métropole, les fournissent gratuitement à qui veut bien se donner la peine de les installer), et pourquoi pas, faire payer à ceux qui viennent en voiture une petite contribution pour un garage à vélo, ou un local fermé. Ca s’appelle pollueur-payeur, c’est très à la mode !
5) « Si je troque ma voiture contre un vélo, la taille de mon pénis va diminuer ».
Et bien les données scientifiques manquent, mais vu le sourire des garçons et filles à vélo (comparez aux conducteurs automobiles), on peut raisonnablement penser qu’il n’en est rien. Vous pourrez également vous rassurer en jetant des coups d’œil discrets lorsque vous prendrez la douche chaude susmentionnée. Et si ça n’y fait rien, vous pourrez toujours compenser en changeant de téléphone portable…
Conclusion
Je vais m’arrêter là, ami bloqueur. En fin de compte, et heureusement, le choix sera toujours le tien. Bien sûr ce n’est pas possible pour tout le monde, évidemment, c’est pas toujours facile, mais peut-être que ça vaut le coup d’y réfléchir. Le monde ne sera jamais rien d’autre que ce que nous en faisons, petit à petit, chaque jour, avec nos petits actes quotidiens. Et même si beaucoup de gens poussent dans le même sens, c’est pas une raison pour faire le même choix.
Epilogue : il l’a fait !!
Quand on vous dit que chez Zebloc, c’est du journalisme sans trucage ! Notre Webmestre préféré a effectivement investi dans un vélo de qualité (plus cher, mais il s’en sert aussi pour aller bosser), et se rend désormais souvent à la salle sans brûler de gasoil.
Il a même remarqué une superbe piste cyclable lui permettant de réduire de moitié la distance !!
Pour aller plus loin :
– l’ADEME propose sur son site www.ademe.fr divers calculateurs permettant d’évaluer les pollutions et coûts des voitures (rubrique « transports »)
– LE site de référence pour la pratique urbaine du vélo www.fubicy.org. Des études, des conseils pratiques. Tout juste parfait !
– Plus énervé, plus engagé, le site des Vélorutionnaires parisiens : www.velorution.org
– Les données concernant la fixation du CO2 proviennent de Notre empreinte écologique, (M. Wackernagel et W.Rees, ed. Ecosociété).
– Enfin, plein de poésie et d’humour, le Petit traité de vélosophie (Didier Tronchet, ed. Omnibus, environ 10€), dans toutes les bonnes librairies. Ou comment découvrir que le vélo fait surtout du bien à la tête.
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